L’appréciation rapide et soutenue du franc congolais (CDF) face au dollar américain s’impose désormais comme l’un des sujets économiques majeurs du moment en République Démocratique du Congo.
Cette évolution, saluée par certains mais perçue avec prudence par d’autres, a fait l’objet d’un débat animé à l’Assemblée nationale, à la suite d’une question d’actualité initiée par le député John Efambe Ekamba du Mouvement de Libération du Congo (MLC).
Face aux députés, le gouverneur de la Banque Centrale du Congo (BCC), André Wameso, a tenu à éclairer l’opinion nationale sur les causes de cette appréciation et sur les mesures prises pour en assurer la durabilité.
Un franc congolais qui reprend de la vigueur
Selon le gouverneur Wameso, la stabilisation observée du taux de change n’est pas le fruit du hasard. Elle résulte d’une série d’actions monétaires coordonnées destinées à assécher les liquidités en circulation et à réduire la pression sur le marché de change.
« Cela fait maintenant près de trois semaines que le franc congolais est stable autour de 2 200 à 2 300 CDF pour 1 USD. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir. La Banque Centrale dispose de tous les instruments nécessaires pour réagir en cas de besoin », a rassuré le gouverneur.
Il a notamment cité l’actualisation du taux de change appliqué au stock de la réserve obligatoire, cristallisée en monnaie nationale, comme l’un des leviers majeurs ayant contribué à cette stabilité.
En septembre dernier, la BCC a procédé à une ponction de plus de 370 milliards de francs congolais, une mesure ayant coïncidé avec la période de paiement des impôts par les entreprises, provoquant ainsi un retrait massif de liquidités et un excédent de dollars sur le marché.
Cette opération a mécaniquement entraîné une baisse du taux de change, favorisant la montée du franc congolais. Les banques commerciales ont, elles aussi, anticipé cette tendance en achetant du CDF pour rééquilibrer leurs réserves, accentuant davantage la demande de monnaie nationale.
La responsabilité collective face à la stabilité monétaire
Pour André Wameso, la réussite de cette dynamique dépendra de la discipline économique collective.
Il a invité les Congolais à épargner et consommer davantage en franc congolais, plutôt qu’en devises étrangères.
« Ce n’est pas seulement un effort de la Banque Centrale, mais aussi celui du gouvernement et des citoyens. Nous devons réapprendre à faire confiance à notre monnaie », a-t-il plaidé.
Le gouverneur a également pointé du doigt le paradoxe entre la méfiance envers le CDF et la rentabilité élevée qu’il offre aujourd’hui :
« Les dépôts à terme en dollars rapportent entre 4 et 5 %, alors qu’en franc congolais, ils peuvent atteindre 13 %. Pourtant, très peu de Congolais, y compris des parlementaires, choisissent cette option. »
La BCC annonce par ailleurs qu’elle travaille avec le Fonds Monétaire International (FMI) pour mettre en place des mécanismes de protection de l’épargne en monnaie nationale, une étape essentielle pour consolider la confiance et encourager les investissements en CDF.
Une « psychanalyse collective » face au dollar
Au-delà de l’aspect économique, André Wameso a soulevé la question psychologique et historique du rapport des Congolais au dollar.
Selon lui, deux traumatismes monétaires ont profondément marqué la conscience collective :
- l’hyperinflation des années 1990,
- et la dépréciation continue du franc congolais depuis son introduction en 1998.
« Ces expériences ont ancré dans notre subconscient l’idée que le franc congolais ne peut que se déprécier. Beaucoup préfèrent le dollar, pensant y trouver une sécurité, alors qu’ils nourrissent une bulle spéculative dont les plus pauvres paient le prix », a-t-il analysé.
Le gouverneur estime que cette nouvelle phase de stabilité doit être perçue comme une occasion de réconcilier le peuple congolais avec sa monnaie, afin d’éviter que le pays reste dépendant du dollar dans ses transactions internes.
Des perspectives encourageantes pour la fin de l’année
Malgré les doutes exprimés par certains économistes, André Wameso se veut optimiste. Il affirme que la tendance actuelle s’inscrit dans une stratégie à long terme visant à ancrer la stabilité monétaire, favoriser le crédit en CDF et freiner la spéculation.
« Certains pensent que cette appréciation ne durera pas. Pourtant, cela fait déjà plus de deux mois. D’ici décembre, nous aurons presque quatre mois de stabilité, ce qui encouragera l’épargne et l’investissement local », a-t-il affirmé.
Les données officielles de la Banque Centrale confirment cette tendance : au lundi 10 novembre 2025, le dollar américain s’échangeait à 2 138,96 CDF, contre plus de 2 400 CDF en octobre, marquant une baisse significative du taux de change.
Un tournant symbolique pour l’économie congolaise
Cette stabilisation du franc congolais constitue une étape cruciale pour la RDC, où la dollarisation de l’économie demeure un défi majeur. Si la tendance se maintient, elle pourrait redonner confiance aux acteurs économiques, renforcer la valeur réelle des salaires versés en CDF et encourager l’épargne locale.
Mais pour que cette réussite soit durable, les économistes s’accordent sur un point : elle devra s’accompagner d’une politique budgétaire rigoureuse, d’une production nationale accrue, et d’un changement de mentalité vis-à-vis de la monnaie nationale.
« Ce que nous vivons aujourd’hui peut marquer le début d’un redressement historique, à condition que les Congolais se réapproprient leur franc », a conclu le gouverneur Wameso.
📊 En résumé :
- Le franc congolais s’est apprécié de plus de 10 % en un mois.
- Le taux de change est désormais stable entre 2 100 et 2 300 CDF/USD.
- La BCC attribue cette stabilité à une ponction monétaire massive et à une meilleure gestion des réserves.
- La Banque centrale appelle à épargner et consommer en monnaie nationale.
- Une collaboration avec le FMI est en cours pour sécuriser l’épargne en CDF.
Ilunga Mubidi Oscar
